Sensible aux processus de marginalisation, d’exclusion et d’émancipation, Erell Latimier travaille depuis une quinzaine d’années, dans les champs artistique comme universitaire, la question du langage dans ses dimensions poétique, esthétique et politique. Après de nombreuses années en tant que travailleuse socio-éducative, elle a mené un travail de recherche sur les liens entre productions langagières et inégalités sociales au sein de dispositifs scolaires principalement auprès de la population considérée « gens du voyage ». Docteure en sciences du langage, elle poursuit ces travaux à la croisée des pratiques de recherche, de rencontres et de création.

Thèmes de recherche :
  • Gens du voyage, dispositif scolaire, catégorisation, exclusion, décapitalisation
Titre de la thèse :

« On serait habitués on le ferait comme tout le monde ». Les dimensions sociolangagières de l’ambivalence des dispositifs scolaires destinés aux jeunes Voyageurs

  • date de l’inscription en thèse : 1 juillet 2014
  • nom de la directrice de thèse : Cécile Canut

Résumé : Ce travail part de l’observation d’une rupture de la scolarité entre le CM2 et le collège des jeunes Voyageurs. Il se propose d’une part, d’étudier comment l’Éducation nationale fournit une explication culturaliste à des problèmes pédagogiques et d’autre part, d’observer les effets, parfois inattendus, produits par de tels discours sur les Élèves voyageurs. En faisant dialoguer les approches de la sociolinguistique critique et de la sociolinguistique politique, cette thèse cherche à faire apparaitre les dimensions sociolangagières des dispositifs scolaires destinés aux jeunes Voyageurs dans toute leur ambivalence politique. Au cours d’une ethnographie de trois ans, trois corpus ont été constitués : une sélection de textes institutionnels, des transcriptions d’interactions avec des agents de l’Éducation nationale et des transcriptions issues de situations d’interactions avec les élèves en classe CNED-EFIV (dispositif spécifique scolaire pour les jeunes Voyageurs après le CM2). L’analyse de ces corpus fait apparaitre les processus langagiers et institutionnels qui construisent l’exclusion scolaire des jeunes Voyageurs et les positions subjectives que ces derniers adoptent au sein de la classe. La première partie présente une réflexion théorique sociolinguistique, articulant la notion sociopolitique de dispositif aux théories de la reproduction et de l’émancipation dans le cadre scolaire. Dans une deuxième partie, les contextualisations historiques du statut Gens du voyage, de l’école et de l’échec scolaire ainsi que des enjeux de la notion d’illettrisme en lien avec les Gens du voyage, montrent les mécanismes de catégorisation, hors et dans l’école, d’une partie de la population française. La troisième partie décrit, à partir de discours essentialisants produits par différents professionnels de l’Éducation nationale, l’organisation des processus d’altérisation des jeunes Voyageurs. Enfin, la dernière partie de la thèse s’attache à décrire, à partir de l’analyse des positionnements réflexifs des élèves, l’ambivalence des dispositifs pris dans une tension entre un processus de décapitalisation et d’émancipation au sens ranciérien du terme. En effet, si le dispositif exclu les jeunes du système scolaire ordinaire, il permet également un renversement du rapport inégalitaire classique du sachant à l’ignorant, du maitre à l’élève.