Famille, individualisation, institutions

Responsables : Jennifer Bidet, Elsa Ramos

Quelle place occupent les chats et les chiens dans les organisations familiales et les liens affectifs des individus dans la société française contemporaine ? Comment les juges, les services d’état civil et les groupes familiaux se saisissent-ils de la possibilité de faire reconnaître une filiation « socio-affective » au Brésil en plus de la filiation juridico-biologique ? Comment les personnes de plus de 50 ans réorganisent-elles leur vie amoureuse avec un nouveau partenaire ?
À travers des objets et terrains variés, ce domaine thématique interroge le fonctionnement et l’évolution des liens familiaux et intimes, saisis à l’échelle de la vie privée, à travers les interventions institutionnelles qui les encadrent et en étant attentif aux inégalités qui les traversent et qu’ils contribuent à reproduire.

Familles et individualisation

Le processus d’individualisation modifie le fonctionnement des familles en générant des formes familiales variées (familles monoparentales, recomposées, homoparentales, etc.) et des relations moins soumises au conservatisme moral, censées davantage autonomiser l’individu. Les liens amoureux et conjugaux sont un terrain important de cette transformation, tout comme les relations entre parents et enfants qui sont modifiées par l’exigence d’une plus grande reconnaissance personnelle des enfants. Les technologies de la communication et de l’information contribuent à ces transformations en permettant le maintien ou la construction de liens à distance, mais aussi une autre articulation entre temps familial et temps professionnel avec le développement du télétravail.

Familles et institutions

Si la famille apparait aujourd’hui moins normée, elle continue de fonctionner sous l’influence explicite d’une diversité d’institutions (école, justice, politiques sociales, hôpital, aide sociale à l’enfance, …). L’évolution du droit civil qui autorise le mariage entre personnes de même sexe, ouvre la procréation médicalement assistée aux femmes seules ou réforme le droit des successions produit des modifications dans les manières de « faire famille ». Le désengagement de l’État dans la prise en charge de la dépendance joue également sur l’évolution des liens intergénérationnels. La législation sur les migrations familiales et l’encadrement des familles étrangères sont une autre illustration du poids des politiques publiques sur la définition de ce qu’est une « vraie famille ». Mais plutôt que de supposer une toute-puissance des institutions sur le fonctionnement familial, les travaux du Cerlis visent plutôt à étudier les formes de négociation, parfois de résistance, à ces normes.

Familles et inégalités sociales

Enfin, la famille est structurée par des rapports sociaux qu’elle contribue à (re)produire. La pandémie de Covid19 a confirmé combien les inégalités de genre au sein des couples perdurent dans la répartition du travail domestique. Les situations familiales marquées par la dépendance d’une personne âgé e montrent le prix payé par les aidants, principalement des femmes. La sphère familiale joue aussi un rôle clé́ dans les processus de reproduction sociale, de genre et de classe. De plus, le milieu social, mais aussi l’origine migratoire, déterminent la plus ou moins grande perméabilité́ des familles aux normes institutionnelles, les familles de classes populaires étant davantage soumises à l’intervention des services sociaux dans le fonctionnement privé des groupes familiaux, d’autant plus quand elles sont d’origine étrangère.