Numérique

Responsables : Eric Dagiral, Coralie le Caroff

Les technologies d’information et de communication à distance sont devenues aussi omniprésentes qu’ordinaires. Il est aujourd’hui à la fois difficile et problématique d’ignorer et de ne pas analyser leurs rôles précis dans les relations familiales, dans les mondes de l’éducation ou du travail, et plus généralement de ne pas considérer la dimension numérique des liens sociaux. Les recherches que le CERLIS consacre au numérique se caractérisent tout d’abord par le souci de faire une place juste à ces dispositifs – ni tout à fait déterminants, ni neutres – en les resituant parmi les pratiques sociales dans lesquelles ils s’inscrivent, souvent loin des promesses initiales de leurs concepteurs. Les recherches conduites au CERLIS réaffirment que pour ce faire, l’enquête empirique classique en sciences sociales et en sociologie demeure plus primordiale que jamais : si rendre compte de la matérialité des outils et des interfaces numérique s’enrichit d’une ouverture des méthodes (aspiration de données, codage de grands corpus…), les modalités de l’enquête ethnographique, par entretiens et par questionnaires demeurent essentielles et même premières pour analyser et contextualiser les pratiques associées, comme pour décrire les processus entremêlés d’appropriation, de non-usage, de rejet et de critique des technologies.

Un ensemble d’enquêtes empiriques s’intéressent donc aux liens sociaux à travers les usages des réseaux socionumériques, aussi bien qu’à travers la question des pratiques politiques, qu’à travers celle des tensions public-privé de la présentation de soi et de la communication en ligne, mais aussi des pratiques culturelles et de loisirs. Sur ces différentes thématiques, plusieurs thèses soutenues (sur les embrouilles adolescentes ; les relations à distance entre enfants étudiant en France et leurs parents restés en Chine...) et en cours (sur l’exposition de soi via les réseaux, les sociabilités d’étudiants étrangers en France ou encore les jeux vidéo...) sont régulièrement discutées collectivement dans le cadre du séminaire et des activités collectives de l’axe. Au carrefour des sciences de l’information et de la communication, de l’histoire et des sciences du langage, un ensemble de recherches analyse également les discours qui voient le jour sur ces différents espaces numériques et leurs écrans, à travers des objets variés et saisis dans des contextes nationaux pluriels : circulation de pétitions, mobilisations politiques, place dans des trajectoires migratoires, etc.

Depuis la création de cet axe transversal, deux projets collectifs ont particulièrement contribué à structurer les collaborations en la matière : le projet ANR Quantiself (2017-2021) rassemblant quatre membres du laboratoire et porté au CERLIS a été consacré à la conception et aux usages de technologies de quantification des individus aux différents âges de la vie. Articulant une grande enquête qualitative et un questionnaire, il a permis de mettre en évidence les dynamiques collectives qui sous-tendent ces pratiques souvent perçues comme intimes, ainsi que leur forte variabilité inter-âge, et d’analyser les ressorts de la modestie de l’intermittence des usages de telles technologies d’auto-mesure. Le projet « Apprendre par la bande » (Ministère de la Culture, 2021-2024) a émergé au carrefour du domaine « Éducation », et s’intéresse à la production et à la consommation de vidéos amateur en ligne ayant pour vocation de diffuser des savoirs ou de former à des savoir-faire, plus souvent dénommés « tutos », là encore via une vaste enquête quantitative couplée à la réalisation d’entretiens afin d’étudier les reconfigurations d’une vaste gamme de pratiques (cuisine, bricolage, piano, vidéos de sciences ou d’histoire, parmi bien d’autres).