Après des études de philosophie en licence à l’Université de Milan, j’ai poursuivi mes études en anthropologie et ethnologie à l’Université de Turin où j’ai obtenu mon Master en mars 2020 avec une mémoire intitulée : « Quand la culture produit le stéréotype : construction et déconstruction de l’identité dans un "ghetto rom" de Bulgarie » sous la direction de Simona Taliani. Dans ce travail, j’analysais les procédés d’identification (Brubacker, 2001) des habitants d’un quartier de Plovdiv en cherchant de problématiser l’acception essentialiste et stigmatisant que la plupart des Bulgares ont de ce lieu et de mettre en lumière sa complexité ainsi que ses liens fréquents avec l’extérieur. Je continue à travailler sur la soi-disant "question tsigane" en Bulgarie dans le cadre de mon doctorat ( cotutelle entre l’Université Charles de Prague où je suis doctorant en anthropologie sous la direction de Yasar Abu Ghosh et l’Université de Paris où je suis doctorante en Sciences du Langage sous la direction de Cécile Canut) en me focalisant plus précisément sur les pratiques sociales et langagières des individus désignés comme Tsiganes à Kotel, une petite ville de montagne connue pour sa tradition musicale et artistique ainsi que par une grande présence de population Rom  dite "cultivée et bien intégrée" qui vit à côté des autres soi-disant ethnicheski grupi (litt.. "groupes ethniques") de la région (bulgare, turque et kharakachan). Je parle italien, anglais, français et bulgare et j’apprends avec la pratique de terrain un peu de romanès.

Titre provisoire de la thèse :

« Nie govorime chisto Tsiganski, nie sme chisti Tsigani » : analyse des pratiques linguistiques et sociales des Roms de Kotel, Bulgarie

Projet de thèse :

Dans ma recherche, j’analyse comment dans une petite ville de Bulgarie connue comme «modèle pour l'intégration des Roms» (Kotelnews, avril 2022) les habitants met en mots leur « auto-compréhension de soi » (Brubacker, 2001)  par les biais soit de la reproduction du discours officiel sur leur "intégration" et sur la nécessité de "bien vivre ensemble" qui est véhiculé par la municipalité, soit en construisant leur différence par rapport à d'autres groupes dits "Roms/Tsiganes" qui ne sont pas reconnus comme faisant partie de leur "nous". Ce procédé de différentiation (Irvine et Gal, 1995) se construit en faisant référence à la variété de langue parlée, à la territorialité, à la confession religieuse et à la profession pratiquée. De cette manière, il paraît être possible de rendre compte d’une subjectivité située, c’est-à-dire « la conception que l’on a de qui l’on est de sa localisation dans l’espace social et de la manière [..] dont on est préparés à l’action » (Brubacker, 2001, p.77). En situant ce discours dans un contexte plus large, celui de la société dite "majoritaire" j’analyse aussi comment les discours officiels (politiques et académiques) ont produit la catégorie de tsigane/Rom ainsi que véhiculé (explicitement ou non) des stéréotypes la concernant. Le but sera de voir comment dans la vie quotidienne les Roms de Kotel réagissent à la stigmatisation par biais de deux procédés opposés. D'une côté, certains acteurs refusent une appellation- celle de Tsiganin/ Tsiganka- conçue comme offensive et revendiquent la reconnaissance du Romanès comme une langue "vraie" et "pure/claire" (chisto) ; de l'autre côté, ils revalorisent et resignifient (Butler, 2002) cette nomination ainsi que la pratique quotidienne d'un langage dit "mixte" (dont certains mots sont en romanès, certains en turc, certains en bulgares).

Dans mon premier terrain (printemps/ été 2022) j'ai conduit une ethnographie dans un centre de travail avec les enfants de rue et leurs familles, ce qui m'a permis d’observer quels usages des langues sont faits dans un contexte éducatif où la langue bulgare, bien étant la seule officiellement permise,  est souvent dépassée par les travailleuses mêmes quand il s’agit de mieux se comprendre avec les enfants ou au contraire de ne pas se faire comprendre par les autres (la directrice, la chercheure que je suis, les peux des travailleuses bulgares). Mon approche est donc celui de la sociolinguistique critique qui cherche de se demander avec Heller (2002) « qu’est-ce que les gens quand ils parlent » et d'observer quels sont les enjeux pratiques et les intérêts des sujets parlants ainsi que celui de la sociolinguistique politique (Canut et al. 2018) en ce qu'elle cherche à retracer dans les pratiques langagières les contraintes dans lesquels les sujets parlants sont pris, les rapports de force existants dans la société dans laquelle ils vivent, mais aussi les stratégies qu'ils peuvent employer pour les contester.

Dans mon deuxième terrain (été 2023), j'ai observé comment, dans le contexte du Festival "des ethnies, des couleurs et des tapis de Kotel" organisé par la municipalité, les différents groupes qui habitent dans la région, construisent une mise en scène (Canut, 2016) de soi en faisant référence à une culture, une  langue et un genre de musique  - le folk - revendiqués comme "authentiques".  Je cherche ainsi de voir si par ces moyens ils sont « able to display self-representation of Romani diversity » (Lemon, 2000, p. 80) et comment, dans ce contexte, la culture – ainsi que la langue ou une forme d'art comme la musique (voir Silverman, 2012) - peuvent être commodifiés et devenir des outils à mobiliser pour des fins politiques et économiques (Heller et Duchene 2012). Cela dans le contexte d'un fort Antitsiganisme (Piasere, 2015) qui toutefois, dans le cas de Kotel, reste, au contraire que dans d'autres villes de Bulgarie,  intra-visible.

Thèmes de recherche:
  • socialisation langagière
  • idéologies linguistiques
  • rapports entre société dite "majoritaire" et groupes dits "minoritaires"
  • commodification de la langue, de la culture, des formes d'art
Formation :
  • Licence en philosophie (Université de Milan, septembre 2013- juillet 2016)
  • Master en anthropologie (Université de Turin, septembre 2018- mars 2020)
  • Diplôme classique (juin 2012, Liceo classico Arnaldo, Brescia)